Cette séquence de tension et de guerre de déclarations ne profite en rien aux deux parties, un retour à la table des discussions pour un nouveau partenariat sur la base des intérêts des deux parties s’avère obligatoire pour éviter tout malentendu.
Une délégation de l’Union européenne a entamé hier mardi une visite officielle en Tunisie au cœur d’une tension inédite entre les deux parties. Cette visite intervient à la suite d’une séquence de déclarations et de décisions à travers lesquelles l’Union européenne a haussé le ton et a même averti contre l’effondrement du pays. Des décisions et des positions qui frôlent, pour certains, l’ingérence dans les affaires internes du pays, chose que ne cesse de rejeter, pratiquement lors de toute apparition médiatique, le Président de la République.
En effet, l’Union européenne, à travers ses différentes structures, dont notamment le Parlement européen, urge des réformes en Tunisie, mais s’inquiète aussi de la situation politique et de ce qu’elle appelle «une détérioration de l’état des libertés et des droits». D’ailleurs, elle ne manque pas d’appeler «à la libération des personnes arrêtées dernièrement dans le cadre de la lutte contre la corruption».
«L’Union européenne s’inquiète de la détérioration de la situation politique et économique en Tunisie et redoute un effondrement du pays», a déclaré, lundi 20 mars à Bruxelles, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
S’exprimant en marge de la réunion du Conseil des affaires étrangères de l’UE, il a indiqué que «l’UE redoutait un effondrement de la Tunisie et les conséquences que cela pourrait avoir sur le Vieux continent, en l’occurrence les flux migratoires et une instabilité dans la région».
«La situation en Tunisie est très dangereuse», a-t-il averti. «Si la Tunisie s’effondre, cela risque de provoquer des flux migratoires vers l’UE et entraîner une instabilité dans la région Mena. Nous voulons éviter cette situation », a-t-il affirmé. «L’Union européenne a chargé les ministres des Affaires étrangères de la Belgique et du Portugal de se rendre en Tunisie afin de mener une évaluation de la situation pour permettre à l’UE d’orienter ses mesures», a-t-il encore précisé.
«L’Union européenne ne peut pas aider un pays incapable de signer un accord avec le Fonds monétaire international» (FMI)», a-t-il aussi soutenu. «Le Président Kaïs Saïed doit signer avec le FMI et mettre en œuvre l’accord, sinon la situation sera très grave pour la Tunisie», a-t-il enfin prévenu.
Des menaces ?
Ces positions ont été interprétées comme des menaces contre la Tunisie qui connaît, en effet, une situation économique extrêmement compliquée. Pour certains, l’Union européenne aurait dû engager un plan d’accompagnement des réformes au profit de la Tunisie au lieu de menacer de mesures ou même de sanctions.
En tout cas, la réponse de la diplomatie tunisienne était immédiate. Dans un communiqué rendu public hier mardi, le ministère des Affaires étrangères a réagi aux déclarations faites récemment par de hauts responsables de l’Union européenne.
«Les Tunisiens ont pris connaissance et certainement bonne note de la déclaration faite par le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, le 20 mars 2023, jour de la fête nationale de la Tunisie, et qui coïncide avec la fête de la Francophonie, dont la Tunisie est cofondatrice et présidente en exercice. Les propos prononcés sont disproportionnés tant au vu de la résilience bien établie du peuple tunisien tout au long de son histoire que par rapport à une menace migratoire vers l’Europe en provenance du sud», a-t-on expliqué. «Ces propos sélectifs continuent d’ignorer toute responsabilité dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu’au 25 juillet 2021. Saluant le soutien constructif de plusieurs partenaires dont l’Italie voisine, la Tunisie reste ouverte à un partenariat responsable, respectueux et d’égal à égal avec tous ses partenaires, comme reflété, en grande partie, par le communiqué du Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne, du même jour», a-t-on également dit.
Cette réaction, le moins qu’on puisse dire sobre, tient à rappeler que la Tunisie reste un pays partenaire de l’Union européenne et que les défis migratoires sont communs.
Pour sa part, le Président de la République a fait allusion à ces récentes positions exprimées par les Européens. Kaïs Saïed a déclaré que la Tunisie «refuse toute ingérence dans ses affaires internes, car il n’est ni sous tutelle, ni placé sous protectorat». C’est ce qui ressort de son allocution, prononcée lundi, lors de sa visite dans la ville de Kairouan.
«Nous préserverons notre souveraineté nationale et nous rejetons à nouveau toute ingérence de quiconque dans nos affaires, car nous ne sommes ni sous tutelle, ni placés sous protectorat», a déclaré Saïed. Et le Chef de l’État d’ajouter: «Nous ne cèderons notre souveraineté à personne. Les Tunisiens ont été emprisonnés dans les geôles et ont sacrifié leur vie pour que la Tunisie soit libre et indépendante».
Un destin commun
Autant dire enfin que la Tunisie est partie depuis les dispositions du 25 juillet 2021 dans une rude épreuve de défense de sa souveraineté. Il est clair que certaines positions étrangères et notamment occidentales frôlent l’ingérence dans les affaires internes du pays et se traduisent souvent par un discours deux poids deux mesures.
Pour l’Union européenne, la Tunisie reste un pays partenaire tant que l’enjeu de sécurité les unit. Cette séquence de tension et de guerre de déclarations ne profite en rien aux deux parties, un retour à la table des discussions pour un nouveau partenariat sur la base des intérêts des deux parties s’avère obligatoire pour éviter tout malentendu.
Niels Petersen
22 mars 2023 à 20:36
Je pense que l’intérêt de la Tunisie est de suivre les conseils de l’Union Européenne si elle ne veut pas sombrer et se reconstruire ce qui prendra de nombreuses années. Les problèmes d’égos et de fierté mal placés sont secondaires au vue de la situation économique.